Le retour à l'artisanat


On parle souvent d'augmenter la production, on produit alors plus, et la surproduction ou la sous-consommation apporte alors son lot de débâcle économique à tous les salariés et ruine au passage les actionnaires qui sont alors renfloués par l'argent public (ou pas). On produit beaucoup, on produit moche, et on ne produit pas non plus durable, car produire durable c'est avoir envie de conserver le produit, c'est à dire que le produit n'est pas jetable, ni même "mode", mais le résultat d'un travail et d'un art, qui s'exprime partout à sa manière, et qui évolue lentement au fil des années. En Afrique les motifs sont différents de ceux du Japon, du fait de la culture. En France on se demande bien ou sont les motifs typiques aujourd'hui, il y en a quelque part et en particulier au moyen-âge, à la renaissance et plus tardivement, dans les tissus en particulier, dans les céramiques aussi, un peu partout, dans les meubles et les styles divers qui ont existé. Mais aujourd'hui il faut aller au musée pour les apprécier, ou à la faïencerie de Gien, plus souvent chez un antiquaire que dans un magasin.

On constate dans l'ameublement l'effondrement du niveau de production et l'accroissement de l'achat de court terme. L'armoire est pensée pas cher, assemblée sans précision, peinte à peu près, mais c'est fonctionnel. On a alors la guerre des prix entre les producteurs d'armoires, à qui vendra la moins cher en réduisant ses coûts (machines, salaires, logistique, etc). Ikea a gagné la bataille, c'est vrai que c'est bien pratique, mais à vrai dire on imagine mal une "mondialisation Ikea", avec tout le monde et son armoire pas cher, le design un peu standard, tellement standard que l'on se demande ce qu'il exprime exactement.

C'est pourtant ce qui s'est produit avec la mondialisation. Chaque consommateur a probablement son armoire et sa table Ikea, car c'est pas cher et fonctionnel. Pourtant, le productivisme exacerbé de notre modèle économique conduit à un accroissement du chômage ou bien à un accroissement démesuré de la consommation et du renouvellement des produits, car plus on produit vite et plus il faut produire de nouveaux biens, car sinon la machine économique s'effondre, un peu comme en 2020 mais pour d'autres raisons. Oui mais c'est la direction vous diront les économistes : la hausse de la productivité et la croissance du revenu par tête d'habitant ! Il n'ont pas tort mais ils n'ont pas raison non plus, car c'est plus subtil que ça en a l'air. Évidemment, on ne peut pas recommander de vivre dans le dénuement ou la grande pauvreté, mais on peut aussi imaginer des compromis afin de sortir du productivisme le plus extrême.

Le durable n'est pas et ne sera jamais la quantité, mais toujours la qualité et la patience dans la réalisation. Ceux qui pensent que le modèle productiviste peut devenir facilement durable juste en remplaçant le thermique par l'électrique ou la centrale par le photovoltaïque n'ont semble t'il pas beaucoup réfléchi à la question. L'art et l'artisanat sont la porte de sortie de la crise et aussi probablement la porte de sortie du modèle d'accumulation. Encore faudrait-il avoir les esprits adaptés à cela, c'est à dire des esprits qui rêvent et pas des esprits qui comptent. Faire de belles choses a le mérite de rendre acceptable le travail, lui donner un sens que n'a pas la production de biens standardisés. Redonner du sens ne peut que passer par le retour à l'artisanat et ce dans de nombreux domaines. Pour certains produits hautement technologiques ce sera difficile, mais il faut y réfléchir.

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