BCE et politique européenne


 Intérieur

S'il est clair que les nouveaux messages de Macron vont de le sens de ne pas respecter la règle des 3% de déficit suite à la crise sociale en France, je m'interroge sur le fait de savoir si la question centrale est réellement cette question des déficits, cette relance perpétuelle par l'état de la demande privée qui diminue. Relance à crédit, comme au Japon. Il est difficile de savoir si Lagarde est du même avis que Macron concernant le fait que l'Allemagne ne joue pas le jeu, n'investit pas au regard de son épargne ou de sa capacité à s'endetter pour des projets qui font sens (discours de Aachen), mais je ne crois pas qu'elle soutienne les taux négatifs comme Draghi. Son éloge de Schaüble à de quoi inquiéter, tant il représente le statu quo de la politique économique européenne.

Il est évident que les inégalités générées par cette politique "facile" des taux bas va finir par créer une crise sociale sans précédent, dont les gilets jaunes étaient les prémices. S'endetter à vie pour quelques bouts de mur, sans aucune garantie que ce soit debout une fois la fin du crédit remboursé, dans 25 à 30 ans...dans un contexte ou l'économie évolue très vite : ce n'est pas toujours raisonnable. C'est pourtant le résultat de la chute des taux d'intérêts pour les jeunes ménages. Si les taux remontent, c'est la double peine : les taxes augmenteront fortement pour combler les déficits, les actifs vont voir leurs prix chuter. S'endetter sur le long terme est un pari sur le prix futur de l'actif. Ceux qui achètent aujourd'hui n'ont sans doute pas cela en tête car ils trouvent les prix "normaux", parfois un peu conditionnés par ces messages journalistiques sur la hausse perpétuelle des prix.

Pour revenir à l'Europe, les taux bas sont effectivement ce qui a empêché la fin de l'euro comme je l'ai mentionné dans un précédent article, mais aujourd'hui le maintien de taux négatifs sous prétexte de garantir un taux d'inflation de 2% (dogmatisme), alors même que l'inflation n'intègre même pas vraiment le premier poste de dépense des ménages, à savoir le logement, n'a aucun sens. L'inflation réelle est plus proche de 3 à 4%, et les augmentations de salaire ne couvrent pas toujours cette inflation pour beaucoup de gens. Si les hausses de salaire couvraient réellement les hausses des prix, les gens ne descendraient pas dans la rue.

La déflation salariale est le cœur même de la politique allemande, imposée par l'euro fort et les règles sur la maîtrise des déficits des pays périphériques. Cette politique rend l'euro non viable; par l'absence d'euro-obligations ce n'est pas une monnaie, mais un ersatz qui explosera au premier pays qui quittera l'union monétaire. La priorité est de réformer en profondeur les flux de capitaux au sein de la zone euro de manière à ce que les surplus d'épargne soient investis dans les zones à faible productivité, pour raisonner en économiste, à savoir le sud de l'Europe. Cela permettra d'inverser la tendance déflationniste dans le sud tout en conservant l'Euro. Sans cette condition nécessaire, mais probablement pas suffisante, l'euro est condamné. Les Euro-obligations, qui seraient possible une fois la situation économique de certains pays rétablis, seraient une bonne idée s'ils s'appuyaient sur un certain fédéralisme, mais ce n'est pas le cas dans les faits. Personne ne souhaite de "l'Europe allemande" d'aujourd'hui, ce n'est pas non plus une puissance politique crédible, ni même un pôle culturel suffisamment fort qui pourrait repenser l'organisation européenne au profit de tous ses membres.

Certains l'ont condamné il y a des années, mais l'Euro tient encore debout, par la force des choses, car l'économie Allemande ne s'est pas encore pris de claque. L'arrogance peut finir par se payer, et la soi-disant supériorité de l'économie allemande ne pèsera pas lourd quand le géant Chinois finira par devoir affronter lui aussi sa crise de surendettement. La dépendance de l'Allemagne vis à vis des exportations à la fois dans les pays périphériques de l'Europe et vis à vis des ventes en Asie, couplés à la faiblesse de la demande intérieure allemande, rendent la situation d'autant plus compliquée. Sans cette prise de conscience de la part des allemands qu'ils ont intérêt à aider leurs voisins plutôt qu'à se cantonner à imposer des politiques dogmatiques, l'échec est devant nous.

La BCE ne peut qu'ajuster sa politique monétaire, mais fondamentalement le problème est politique, et doit se régler entre chefs d'états et par de nouvelles règles de gestion internes à la zone économique et monétaire. L'économie européenne comme terrain de jeu de l’Allemagne qui utilise la périphérie à son avantage tout en poussant pour elle seule le développement hors de l'Europe, en forçant la déflation sur les salaires des voisins via les contraintes budgétaires strictes, sans laisser en conséquence la possibilité des ajustements monétaires historiques (les dévaluations monétaires), ne tiendra pas éternellement.

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