Fuite en avant monétaire et refuges

Les récentes relances de la BCE interrogent. Certes, l'économie est stagnante, mais peut-on réellement parler de récession sévère, qui justifierai que l'on baisse encore les taux en territoire négatif ?

Probablement pas. En réalité, on tend progressivement à déstabiliser l'assise des banques et des compagnies d'assurance, et surtout on encourage une fuite en avant du crédit privé, qui se répercute par l'envolée de l'immobilier et d'autres actifs refuge. Les inégalités de la bulle immobilière sont aussi des inégalités relatives à la durée des crédits. S'endetter aujourd'hui, c'est s'endetter deux fois plus longtemps que la génération précédente, car les durées de remboursement on explosé avec les prix.

Les autres refuges face à une devise volontairement dépréciée par ces politiques monétaires pourraient être l'or ou les cryptomonnaies, dont l'assise est incertaine. L'or me semble déjà assez bien valorisé, et je ne le vois pas aller au delà des niveaux actuels, peut-être à tort. Pour les cryptomonnaies, je pense qu'il est encore possible de voir la tendance se poursuivre avec les nouveaux projets de cryptomonnaie. Je suis relativement défavorable à ces idées de monnaies, mais on constate chaque jour un peu plus que cela est accepté par un nombre toujours plus important de personnes. Il faut noter que ces monnaies sont des monnaies privées, et qu'à terme elles pourraient se séparer des sous-jacents monétaires actuels s'il survenait des crises étatiques, du fait que certaines de ces monnaies seront conçues comme adossées à des paniers de monnaies.

Plus le poids de l'acteur privé qui détient les paniers de devises est important, plus il devient lui même un référent monétaire presque indépendant, libre d'arbitrer entre plusieurs devises. C'est le danger majeur pour les états : le fait qu'un acteur privé puisse être une référence plus crédible que ce même état, du fait d'une certaine diversification en devises, le rendant moins sensible aux chocs monétaires. Je pense que certains états sont réellement inquiets des projets tels que Libra, et voient Libra comme une banque centrale privée qui échapperait au contrôle étatique, avec la capacité d'exercer ses activités partout dans le monde.

Pour revenir au premier sujet, le bénéfice de telles politiques monétaires sur l'économie réelle, productive, reste incertain. Il tend au mieux à accompagner la stagnation, entraînant un risque financier supplémentaire. Les bulles d'endettement finissent par crever, et cette fois il n'y aura pas d'amortisseur du fait de l'exubérance associée aux taux négatifs. Ponctionner les dépôts ne résout rien et encourage rarement à la dépense pour des biens concrets. Seuls les ménages les plus aisés vont réaliser des acquisitions à crédit ou bénéficieront simplement de l'accroissement de la valorisation de leur patrimoine déjà acquis (immobilier et action). En résumé, les classes moyennes semblent vraiment perdantes à ce jeu là.

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