Huitième roman

 

Titre : Post-Effondrement

M rentre chez lui à vélo après sa journée de travail. Après l’effondrement, les quelques industries aéronautiques et automobiles survivantes s’étaient en partie reconverties à la fabrication de bicyclettes, l’essentiel du budget des ménages étant maintenant l’alimentaire et l’énergie, après le krach financier qui suivit la grande crise. Un mélange d’inflation monétaire et d’inflation des prix de bases, de chute de la production et de défaut spectaculaire sur les crédits privés avait eu lieu, sans que les politiques de rachats d’actifs des banques centrales ne puissent compenser la chute des revenus de l’activité privée, et donc la valorisation de bon nombre d’actifs.

Une augmentation des prix alimentaire de 190% et le chômage de masse avaient entrainé parallèlement l’effondrement du secteur de l’immobilier ainsi que le secteur énergétique, la production manufacturière ayant chuté de 77%, ainsi que la nationalisation partielle du secteur bancaire. Les gens vivaient simplement, le système D s’était mis en place un peu partout, l’état ne parvenant plus à assurer les services publics.

Cette crise avait ralenti ceux qui voulaient transformer la planète en fournaise, à la façon de vénus. Le nouveau travail de M dans la céramique et l’artisanat d’art n’était pas non plus exempt d’impacts sur l’environnement, mais produire beau et durable contribuait aussi à la magie qui nous entourait.

M recrutait quelques nouveaux agents, car maintenant la situation post effondrement stabilisée, certains auraient des velléités d’imposer leur délires technologiques : cerveaux connectés, voitures électriques non vraiment recyclables vendues par centaines de millions, augmentation des flux de données partout sur la planète et stockage de vidéos inutiles, généralisation du pistage informatique et génétique, ce qui menaçait à terme l’équilibre de la vie terrestre, la vie des plantes, des animaux et des hommes.

Il était difficile de faire admettre à l’homme rationnel de ce siècle que tout n’était pas matière, et que l’âme des hommes et des animaux, la magie des plantes et des dieux étaient aussi des éléments à prendre en compte pour stabiliser la situation, éviter le déluge.

Évidemment personne ne pouvait croire cela; dans la tête des gens le progrès c’était un parcours fléché et guidé par quelques algorithmes conçus par des prétendus génies de l’informatique et des sciences. Pourtant, il suffisait d’observer la nature attentivement pour comprendre que rien de ce qui était naturel ne semblait suivre ces schémas logiques, et que si les hommes se tournaient vers une rationalité trop poussée, trop mécaniste, il se retrouveraient alors enfermés sur eux-mêmes, ils dormiraient dans une prison technologique jour et nuit.

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