Chroniques de l'homme moderne



La nouvelle Ziggurat

Société instable et violente, taux négatifs, anomalie pour tout économiste normalement constitué, mais les experts disent maintenant que c’est une bonne chose à grand renfort d’articles dans les journaux, même si l’hécatombe dans le secteur bancaire est massive. La n’est pas vraiment la question de fond : baisse de la demande avec le vieillissement, baisse de la consommation, et économie basée essentiellement sur le remboursement des dettes déjà contractées : impasse et stagnation économique, surendettement massif des acteurs.

L’économie moderne est une économie de la dette, et la production en soit n’est là que pour assurer ce service de la dette. Les produits consommés, leur qualité, n’ont aucun intérêt pour celui qui fait de la macroéconomie.

Effondrement écologique, impact climatique des modes de vie : les experts ont la solution. Il s’agirait d’une transition écologique qui consisterait à remplacer les produits actuels par de nouveaux produits, plus verts. Mais la question de la démultiplication de ces produits à l’échelle mondiale n’est toujours pas d’actualité, car l’aveuglement est total.

Plusieurs centaines de millions de véhicules motorisés à l’échelle mondiale, des milliers d’avions qui sillonnent le ciel en permanence, des usines qui produisent de l’électroménager de basse qualité, en rade au bout de 5 années seulement, voire parfois moins. Est-ce là le modèle qu’il faut poursuivre pour avoir une chance même infime d’infléchir le mouvement actuel de l’effondrement écologique, disparition des espèces, pollution massive de l’air, de l’eau et des sols ?

La réponse est probablement non. L’homme occidental pense toujours que plus de technologie, plus d’intelligence dite numérique ou artificielle (c’est un comble : comment quelque chose d’artificiel pourrait avoir l’intelligence complexe d’un groupe humain ?) peut répondre aux fameux enjeux écologiques. En réalité, rien de tout cela. La seule manière de réduire l’empreinte écologique est de réduire drastiquement la production industrielle et de concevoir des produits réparables, qui dureraient plusieurs décennies plutôt que 3 à 5 ans. Certes, le téléviseur qui durerait 25 années ne serait pas aux dernières technologiques dites connectées. Un simple boitier adaptatif suffirait à moderniser le vieux téléviseur, dont en général les composants tiennent la route, sauf parfois quelques condensateurs qui crament et qui peuvent être remplacés. Pour l’informatique c’est plus compliqué car le progrès imposé à marche forcée par les géants industriels rend impossible la notion même de durable. Il faudrait donc ralentir plutôt que de vouloir accélérer, ce qui permettrait à moindre coût de trouver des solutions « low tech » à nos problèmes.

La société est une société de la marchandise avant d’être une société faite de personnes : c’est le constat que l’on fait lorsque l’on regarde les actualités, toutes orientés sur l’efficacité économique, l’accroissement des moyens de production, ou leur rationalisation à l’extrême via des nouvelles technologies qui aveuglent le quidam. Que les gens finissent en burn out semble ne poser de problème qu’à partir du moment où le coût économique devient important pour la sécu. L’hôpital lui aussi à un coût, et il faudrait le gérer comme une usine. Ce n’est pas possible car dans la vie il y a aussi des choses qui coûtent et qui ne rapportent rien en terme économique. La vie vaut bien plus que la marchandise produite, mais cela ne fait pas vraiment partie de l’équation de la création de la valeur, au sens de l’actionnaire ou même du ministre de l’économie.

Il est donc urgent d’imaginer un compromis entre cette économie de marché qui est déjà dans le mur et les gens qui la subissent, car le progrès tant attendu ne vient pas, après des décennies d’accroissement de la production industrielle. Pourquoi ?

Car ce n’est probablement pas ce qu’attendent les gens en premier lieu. Posséder toujours plus de produits est attirant pour celui qui vient d’une économie totalement agricole et qui n’a accès à rien d’autre en termes de confort. Mais aujourd’hui, après la fin de l’illusion de l’après-guerre qui allait nous apporter l’abondance et le bonheur, il faut passer à autre chose.

Être réactionnaire car on pense ne pas être en accord avec l’accélération des technologies et autres niaiseries n’est pas nécessairement se tromper. Parfois, le soi-disant progrès n’en est pas un.

Si le héros de Blade Runner 2049 a une voiture volante, c’est bien sympa, mais le fond de l’air est pollué, il mange des protéines produites dans des serres, il voit à peine la lumière du jour, il n’y a plus d’arbres, de fleurs, d’animaux, et les humains qui restent (s'ils ne sont pas déjà des robots) font de la peine à voir, coincés dans leurs agglomérations grises comme des zombies en cage. Si la trajectoire du soi-disant progrès n’est pas infléchie de force, nous verrons probablement un monde qui ressemblera à ces fictions, tant les équilibres écologiques auront été balayés par l’accroissement des déchets industriels, la surconsommation et la pollution. Certains diront qu’il s’agit de catastrophisme : c’est le cas, car en réalité nous pouvons encore changer les choses, mais cela suppose de les changer vraiment, en abandonnant totalement l’idée que des technologiques nouvelles pourraient apporter des solutions miracle. Utilisons déjà ce qui existe, et qui est probablement largement suffisant. Il est probable que les solutions seront apportées par un recul de la technologie dans la vie quotidienne plutôt que par son accroissement systématique.

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