Certitudes...et aveuglement


Après l'article du revenu qui nous parlait de 10000 points sur le CAC40 du fait des taux négatifs, c'est au tour de Challenges de faire sa une sur le thème du fantasme de la récession. Pourtant, techniquement, nous sommes déjà dans une stagnation avec des taux de croissance inférieurs à 0.2% par trimestre pour la France. Pour le monde, on pourrait regarder les chiffres et dire que c'est mieux, mais comment éviter de parler de ce qui se passe en Argentine, au Chili, au Liban, à Hong Kong ?

Les taux bas ont réellement déconnecté les marchés de la réalité du terrain dans la manière qu'ils avaient avant d'anticiper la dégradation conjoncturelle à partir d'indicateurs avancés. Les injections de liquidité quotidiennes semblent tenir un édifice, qui tiendra tant que les résultats des entreprises multinationales resteront positifs.

Le titre de presse est provocateur dans une telle situation globale avec une croissance aussi faible en Europe et dans de nombreux pays émergents, après une expansion de l'économie de 10 ans aux États-Unis et une situation budgétaire qui dérape d'une manière assez peu raisonnable. Une sorte de pied de nez aux pessimistes qui est orientée uniquement sur les chiffres à court terme, comme si la réalité perçue et vécue n'avait de sens qu'à travers ces chiffres de croissance, qui de toute manière sont imperceptibles par les citoyens aux niveaux actuels. 

Pendant ce temps on s'interroge sur la crise maintenant évidente des services publics, que ce soit l’hôpital, le train, ou la police. Les politiques des entreprises privées appliquées au public font encore plus de dégâts de part l'importance de ces institutions sur le quotidien des citoyens, qui privés de trains, de policiers ou d’accueil à l’hôpital constatent que cette politique du chiffre, si bénéfique aux actionnaires dans un groupe privé, s'avère probablement un très mauvais calcul dans le public. Si une société fabricant des produits X ou Y fait faillite, cela n'impacte pas le quotidien des gens (excepté ceux qui sont au chômage), car cette société est en concurrence avec d'autres sociétés qui produisent la même chose ou presque. Pour les services publics, il n'y a pas d'alternative : tout le monde subit les conséquences des réductions de budgets ou du rythme demandé aux personnels.

On pourrait espérer que cet argent gagné par les plus riches puisse être réinvesti dans l'activité réelle, mais ce n'est pas exactement le cas. Cela ne permet que de réaliser d'autres acquisitions d'actifs côtés ou immobiliers, ce qui n'est pas à proprement parler un investissement direct dans l'économie réelle car ces supports, au delà du rendement qu'ils apportent, ne sont parfois que des "réserves de valeur", une méthode de thésaurisation avant d'être une approche d'investissement (comme l'art contemporain). L'impact positif que pourrait avoir cette richesse est capté dans l'acquisition d'actifs, qui deviennent parfois hors de portée des autres acteurs économiques (bulles). Lorsque cette richesse (virtuelle) disparaîtra, si elle disparaît, il y aura crise bancaire, budgétaire, car il faudra renflouer ces actionnaires perdants, d'une manière ou d'une autre, pour éviter que le krach boursier ne se propage à l'économie réelle. Cela a déjà été le cas en 2008-2009, et ce sont ces choix qui conduisent aujourd'hui à un risque d'explosion sociale du fait des politiques simultanées de renflouement/rigueur.

C'est en ce sens que les taux négatifs, les injections de liquidité, sont un système dévoyé, un système qui sous prétexte de sauver l'épargne des citoyens et maintenir à flot le système de crédit, ne font qu'enrichir une petite minorité sans réformer le système. Personne n'a envie de laisser une banque couler car tout le monde en pâtirait dans sa vie de tous les jours et car les banques financent en effet l'économie par le crédit et apportent la sécurité des dépôts qui permettent les échanges marchands, mais faire croire qu'on ne peut penser le système économique que comme une sorte de ponzi de dettes piloté par la banque centrale est faux. 

Il s'agit d'une idéologie qui sert des intérêts, pas d'une approche pragmatique de la situation. Que les quantitative easing contribuent massivement au surendettement public et privé semble aujourd'hui avéré. Les taux d'intérêts plus élevés sur un marché libre privilégient plutôt les défauts et les restructurations (l'ancienne méthode), plutôt qu'une lente agonie qui entraîne en fait l'ensemble des acteurs économiques et s'étale dans la durée. Le scénario actuel est celui du statu quo. On fausse la valeur des taux et donc des actifs pour faire croire qu'il n'y a pas de crise, alors que celle-ci est une évidence. Les riches ne voient pas cette crise, du fait des politiques menées. C'est un jeu inégal dans lequel la classe moyenne est nécessairement perdante, endettée à vie pour son logement et bientôt contrainte d'investir ses autres économies dans des supports risqués, car la banque ou l'assureur ne veulent plus d'actifs qui font perdre de l'argent (logique, sinon ils ne peuvent pas survivre).

Des logiques somme toute illogiques, l'aboutissement de la méthode mathématique qui a permis de mettre la crise de 2008 sous le tapis, ainsi que la crise de 2011 (celle de l'euro).

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