Guerre commerciale et mouvements des devises
Les récentes menaces de Trump ont
eu plusieurs effets :
- Des prises de bénéfices importantes sur les marchés émergents dont Chinois, ainsi que sur les marchés action Européens
- La dévaluation du Yuan par rapport au $, réponse des Chinois aux Américains
- Le renforcement du $ face aux devises émergentes et face à l’Euro
Globalement, on observe que la
bonne situation économique aux Etats-Unis, corrélée à une hausse des taux
courts qui est en fort contraste par rapport à la situation européenne,
entraîne une hausse du $. Cela est plutôt cohérent avec la banque centrale qui
souhaite voir son bilan réduit. Cela ne ressemble pas à la
fin de cycle de 2007-2008 qui avait été corrélé à une forte poussée
inflationniste. Le pétrole est certes en hausse, essentiellement du fait de la
politique vis-à-vis de l’Iran, mais l’inflation semble pour le moment
modérée aux USA. En Europe, l’inflation augmente mais ne dépasse pour l’instant
pas les 2% l’an.
Dans ce cadre, la grande tenue
des marchés action américains est symptomatique du poids relativement réduit
que pèse la Chine au niveau financier : les actifs mondiaux sont vendus
pour soutenir le marché américain. La Chine n’a pas vendu de bons du trésor à
priori, et les taux américains ont même reculé pour ceux de long terme >
10ans.
Nous sommes donc face au constat
suivant : la Chine ne semble pas pouvoir tenir tête aux Etats-Unis dans
une guerre commerciale si réellement les Américains décidaient de taxer
massivement les imports de produits chinois. Les mouvements de capitaux
montrent qu’une guerre commerciale conduirait à des dévaluations du Yuan et à
une baisse des marchés Chinois/une fuite partielle des capitaux investis en Chine qui iraient se réfugier en
zone $.
La situation en zone Euro est
particulièrement préoccupante. Nous avons à la fois un délitement
politique qui s’accélère (migrants, crise en Allemagne, crise en Italie) et des
risques financiers qui s’accumulent (créances douteuses, croissance anémique,
taux à zéro depuis des années, échec des politiques de relance). Le scénario
grec voyait son risque bien limité à quelques pourcents du PIB Européen. Pour
ce qui concerne l’Italie, le risque est systémique pour les banques Européennes ainsi que pour la subsistance même de la zone monétaire.
Lorsqu’en 2008 tout le monde
voyait l’euro comme concurrent au $, on peut dire sans hésiter 10 années plus
tard que ce rêve s’éloigne à mesure que l’on constate la stagnation dans
laquelle est entrée l’économie européenne. Trump sait que la zone Euro si elle est
bien gérée présente un risque pour l’hégémonie Américaine avec son
rapprochement potentiel avec la Russie et même la Chine (route de la soie). L’Europe
n’a pas besoin de lui pour échouer : les hommes politiques européens s’en
sortent assez bien tout seuls, en particulier les dirigeants Allemands, qui en
refusant toutes les propositions Françaises condamnent de fait une évolution de
l’Europe vers un fonctionnement plus intégré, avec une capacité à gérer les
crises qu’elle n’a pas aujourd’hui.
C’est dans ce contexte
fondamental qu’on a vu l’Euro échouer sur ~1.25 il y a peu, et rechuter. De la
même manière, le $ initie un mouvement haussier face au Yen et face au franc Suisse. Cette situation est alarmante car une remontée du $ contre toutes les
devises, si elle se confirme, est le pire scénario à la fois pour l’Amérique et
pour le reste du monde. Les pays endettés en $ vont devoir piocher dans leurs
réserves de change. Les produits exportés des États-Unis vers le reste du monde
ne se vendront plus aussi bien, ce qui risque d’accroitre les problèmes
commerciaux. De la même manière, une nouvelle crise en Europe entraînera cette
fois une fuite de capitaux et un affaiblissement de l’Euro, qui plutôt que de
permettre plus d’exportations, forcera alors l’Amérique à taxer les produits
importés. Ce cercle vicieux peut se mettre en place du fait même de la défiance
et des craintes relatives aux menaces protectionnistes. Loin d’être pour ma part opposé à
une dose de protectionnisme, je constate que lorsque l’Amérique menace la
Chine, celle-ci répond en dévaluant, signe que la Chine ne soutient pas son marché intérieur, ce qui permettrait par la
même occasion de limiter la séparation producteur/consommateur = Chine/Usa.
Le risque est donc celui d’un
clash monétaire qui correspondrait à une remontée du $, entraînant des défauts
en cascade, et une fuite de capitaux en direction de la zone $. Pour l’instant,
on ne peut pas confirmer ce scénario mais certains niveaux techniques doivent
être surveillés. J’ai tracé les graphiques euro/$, $/chf, $/yen plus
bas. Je parle là de grandes devises, mais concernant les devises turques ou argentines, la situation est déjà proche d'une crise monétaire.